Boufflers E*, Capitan-Beas A**, Lefebvre-Kuntz D**, Menu H*.
*Pôle Anesthésie Réanimation Salengro CHRU 59048 Lille
** DARA Centre Oscar Lambret 59000 Lille
2-1 : Les volumes respiratoires :
2-2 : Les réserves en O² :
2-2-1 : Les réserves pulmonaires :
2-2-2 : Les réserves plasmatiques :
2-2-3 : Les réserves tissulaires :
3- Epidémiologie des désaturations artérielles à l’induction et lors de l’intubation (3):
4- Monitorage de la préoxygénation (1):
5-Réalisation de la préoxygénation :
5-1 : Technique rigoureuse :
5-2 : Les différentes méthodes :
5-2-1 : La préoxygénation en volume courant :
5-2-2 : La préoxygénation en capacité vitale :
Technique des 4 CV :
Technique des 8 CV :
5-3 : Optimisation de la préoxygénation :
5-3-1 : Utilisation de la ventilation non invasive :
5-3-2 : Utilisation de la position proclive :
5-4 : Préoxygénation selon le terrain :
5-4-1 : Chez l’enfant :
5-4-2 : Chez les personnes âgées :
5-4-3 : Chez la femme enceinte :
5-4-4 : Chez l’obèse :
La préoxygénation (PO) en anesthésie consiste en l’administration d’oxygène à 100% en volume avant l’induction afin d’augmenter les réserves en O², en particulier la CRF et de retarder la survenue d’une hypoxémie pendant la phase d’apnée et des manœuvres d’intubation.
L’augmentation des réserves du patient est obtenue au prix d’une dénitrogénation puisque l’on remplace l’azote (N²)issu de l’air ambiant par de l’oxygène ( O²) issu d’une respiration en O² pur.
L’intérêt de la PO est démontré depuis les années 1950. Une PO avant l’induction d’une AG permet chez l’adulte de maintenir en toute sécurité une apnée de 3 à 6 minutes avant que n’apparaisse une désaturation artérielle (1).
Il existe
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La consommation d'oxygène d'un sujet éveillé se situe aux environs de 250 à 300 ml par minute, en cas d'apnée, la désaturation interviendra en deux minutes. Plusieurs facteurs influencent cette consommation, l'anesthésie réduit d'environ 40 % les besoins en oxygène du patient. Par contre un patient hyperalgique ou agité aura une consommation d'oxygène supérieure. Les réserves en oxygène sont situées à 3 niveaux : pulmonaire, plasmatique et tissulaire
La réserve pulmonaire en O² = Fraction alvéolaire ( FaO²) X CRF
Si CRF = 3000 ml :
A FiO² = 21%, FaO² = 21% , la réserve en O² = 0,21 X 3000 = 630 ml
A FiO² = 100%, FaO² = 95% , la réserve en O² = 0,95 X 3000 = 2250 ml
Soit un gain de 2220 ml
Cette multiplication simple suffit à expliquer l'intérêt d'une préoxygénation, puisque en augmentant la réserve pulmonaire en oxygène, lorsque le patient respire de l'oxygène pur, le délai de survenue d'une saturation sera plus long.
Dans la plupart des études, on considère la limite de la désaturation en oxygène dans le sang, lorsque celle-ci est inférieure à 90 % du sang artériolaire
Dans le plasma, l’oxygène est transporté sous 2 formes, une forme dissoute et une forme liée à l’hémoglobine.
Pour un volume plasmatique de 3 l :
En air ambiant : PaO² = 80 mmHg è 0,003 X 80 X 3 X 10 = 7 ml
En O² pur : PaO² = 5OO mmHg è 0,003 X 500 X 3 X 10 = 45 ml
Si Hb = 12 g / 100 ml et volume sanguin = 5 l
En air ambiant : SpO² = 98 % è 1,34 X 0,98 X 12X 10 X 5 = 788 ml
En O² pur : SpO² = 100 % è 1,34 X 1 X 12 X 10 X 5 = 804 ml
Il existe un stock d’ O² Dans l’espace intersticiel qui représente 25 ml en air ambiant et 160 ml en O² pur (2)
Il existe un stock d’O² au niveau cellulaire difficile à évaluer. Selon la loi de HENRY et les différents coefficients de partage, 3 minutes de PO multiplient les stocks tissulaires en O² par un facteur 15 .
En pratique :
La réserve d’O² d’un adulte de corpulence moyenne est d’environ 1450ml quand il respire en air ambiant (FiO²= 21 %) et s’élève à près de 3700ml lorsqu’il respire en O² pur. Cette augmentation des réserves est due pour 50% à l’augmentation de la concentration en O² dans la CRF.
L’oxymètre de pouls ne permet pas d’évaluer la préoxygénation car la SpO² n’est pas un reflet de la réserve en O² : au dessus de 160 mm Hg de PaO², la SpO² est de 100% en 15 secondes environ, mais cela correspond à une très faible réserve en O². Par contre, la SpO² est le monitorage le plus adapté à la période d’apnée ; la vitesse de désaturation est un bon critère de tolérance à l’apnée et de la qualité de la PO.
La fraction de fin d’expiration de l’O² est un bon reflet de l’oxygénation alvéolaire ( CRF). Une FeO² de 95% correspond à une oxygénation alvéolaire totale, une FeO² de 90% correspond à une oxygénation alvéolaire à 95 %.
Il faut disposer d’un monitorage cycle ventilatoire par cycle ventilatoire obtenu avec des analyseurs de gaz ayant une cellule de mesure paramagnétique. La ligne d’aspiration est le plus souvent placée au niveau du masque facial.
Le temps de la préoxygénation est imprévisible car multi factoriel
et très variable d’un patient à l’autre.
En particulier chez les patients à risque :
3 différentes méthodes sont proposées : la préoxygénation en volume courant pendant 3 minutes, la technique des 4 CV en 30 secondes ou des 8 CV en 60 secondes.
5-2-1 : La préoxygénation en volume courant :
Décrite par Hamilton en 1955, 3 minutes de respiration spontanée à FiO² = 1 chez les sujets indemnes de toute pathologie pulmonaire permet un dénitrogénation à 95% (5).On considère généralement qu'après une minute de préoxygénation, la fraction expirée d'oxygène atteint déjà 80 %, une dénitrogénation complète ne s'obtient qu'après sept minutes chez le sujet sain.
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ATTENTION : une fuite sur le circuit annule immédiatement ces effets par diminution rapide de la FiO².
Chez le sujet sain, la durée d’apnée pendant laquelle la SpO² est supérieure à 90% peut être prolongée jusque 10 minutes après 3 minutes de préoxygénation (3)., chez le sujet anesthésié.
5-2-2 : La préoxygénation en capacité vitale :
Technique des 4 CV :
Elle consiste à effectuer en 30 secondes, 4 inspirations profondes correspondant à la CV. Il est préférable de commencer la manœuvre de capacité vitale par une expiration profonde
Décrite par Gold et COLL ( 6) qui montrent que cette technique des 4 CV est aussi efficace que 3 minutes de PO en volume courant.
Pour d’autres : (5, 7, 8), le technique des 4 CV est responsable d’une désaturation plus rapide par rapport à la technique du volume courant pendant 3 minutes. C’est pourquoi, elle n’est indiquée qu’en extrême urgence lorsque l’on ne peut attendre 3 minutes ( césarienne pour souffrance fœtale aigue). Des études sur les sujets âgés ayant bénéficié de la manoeuvre de capacité vitale ou de la respiration d'un mélange d'oxygène pur pendant une minute montre une efficacité identique jusqu'à l'obtention d'une saturation de 93 %. Par contre au-delà, la désaturation est plus rapide avec la méthode de la capacité forcée entre 93 et 90 % (212s vs 406s)
Technique des 8 CV :
Elle consiste à effectuer en 60 secondes 8 inspirations profondes correspondant à la CV. Pour être efficace et éviter les réinhalations, le débit d’oxygène doit être supérieur au débit inspiratoire de pointe des patients. De tels débits sont obtenus en actionnant le système d’O² rapide ( by-pass) pendant l’inspiration (2). Une étude a retrouvé après 8 respirations profondes pendant une minute, la désaturation mesurée <95 % survient au bout de cinq minutes chez des volontaires sains
Des études physiologiques comparants les 3 techniques ( VT, 4 CV et 8 CV) retrouvent une efficacité identique dans les 2 groupes VT et 8 CV. Cette efficacité étant supérieure à celle obtenue avec la technique des 4 CV ( 9).
hyperventilation volontaire :
5-3-1 : Utilisation de la ventilation non invasive :
Chez le sujet sain, l’application d’une PEEP (6 cm H²O) au cours de l’induction anesthésique prévient la formation des atélectasies , améliore l’oxygénation et la tolérance à l’apnée ( 10,). Il en est de même chez le patient présentant une obésité morbide ( BMI > 40 Kg/m²) (11).
La VNI (AI-PEP) a été comparée pour la pré oxygénation de patients hypoxiques de réanimation à une préoxygénation standard ( O² = 15 l/min) (12). Dans le groupe VNI : ( FiO² = 1, PEP de 5cm H²O, AI = 12 =/- 2 cm H²O ), il existait une meilleure oxygénation ( PaO²), une réduction de la fréquence et de la profondeur des épisodes de désaturation lors de l’intubation.
Chez le sujet sain, I. Tanoubi (Annales françaises d'anesthésie et de réanimation Volume 29, numéro 3 pages 198-203 (mars 2010)) montre l'intérêt, évalué sur le Fe O² d'une préoxygénation avec aide inspiratoire et pression positive résiduelle à 4.
La FEO2 moyenne à la fin des trois minutes de préoxygénation est plus élevée (p <0,001) avec AI-4/PEP-4 (94±3 %) et AI-6/PEP-4 (94±4 %) qu’avec la technique VS (89±6 %). Tous les participants et 90 % des participants atteignent une FEO2 =90 % avec AI-4/PEP-4 et AI-6/PEP-4 respectivement vs 65 % avec VS (p =0,0013). Les participants tolèrent mieux la VS et l’AI-4/PEP-4 que l’AI-6/PEP-4. Des fuites plus importantes sont notées avec l’AI-6/PEP-4 qu’avec la VS et l’AI-4/PEP-4
5-3-2 : Utilisation de la position proclive :
Chez le sujet sain, la CRF diminue de la position debout à la position couchée. La durée de tolérance à l’apnée est améliorée lorsque la préoxgénation est réalisée en position proclive à 45° ou même à 20° ( 13). Ceci a également été démontré chez le patient obèse (14).
5-4-1 : Chez l’enfant :
Chez l’enfant, il existe une diminution de la CRF et une augmentation de la VO² ; ce qui explique la rapidité de la désaturation lors de l’apnée. La technique de référence est la PO de 3 minutes, mais elle est difficile en raison de problèmes d’acceptabilité du masque facial. Il est possible d’utiliser un fort débit d’O² sans appliquer le masque facial pendant 100 secondes (15). Après la PO, la désaturation survient en moins de 100 secondes, d’où la nécessité d’une réoxygénation rapide (1).
5-4-2 : Chez les personnes âgées :
Après 65 ans, il existe une rigidité de la cage thoracique, une diminution de la CV, une augmentation du VR, des anomalies du rapport ventilation / perfusion, ce qui explique des désaturations rapides en l’absence de pré oxygénation. Le délai moyen d’apnée pour obtenir une SpO² à 90% est de 200 secondes après 4 CV, 350 secondes après 3 minutes de ventilation en VT.
La préoxygénation est indispensable chez les personnes âgées sous forme de 3 minutes de ventilation spontanée ( 16).
5-4-3 : Chez la femme enceinte :
En fin de grossesse, il existe une augmentation de la ventilation par minute, Une augmentation de la VO², une diminution de la CRF, du VRE et du VR. Dès la 28 ème semaine, il existe une diminution du temps de dénitrogénation, mais aussi de temps d’apnée. La technique de référence est la PO en VC en O² pur pendant 3 0à 5 minutes, cependant, en cas d’urgence la technique des 4 CV peut être utilisée (17).
5-4-4 : Chez l’obèse :
Chez l’obèse, il existe une augmentation des difficultés de ventilation au masque et d’intubation qui augmentent le risque d’apnée prolongée et rendent donc la préoxygénation difficile.
La CRF diminue de 25% pour un BMI > 30 Kg/m². Après induction, la CRF diminue de 20% chez le sujet sain et de 50% par rapport aux valeurs de pré induction si le BMI est > 40 Kg/m². Cette diminution de la CRF est un piège car elle entraine une diminution du temps de dénitrogénation avec l’obtention plus rapide d’une SpO² > 90% qui peut amener à un arrêt précoce de la PO.,
L’augmentation de la VO², la diminution de la CRF et les anomalies du rapport VA/Q , la rapidité de constitution de micro atélectasies à l’induction majorant l’effet shunt, expliquent la diminution de réserves en O² et de la tolérance à l’apnée chez l’obèse ( 1, 3).
Après 3 minutes de PO en VT, l’hypoxémie survient en 196 secondes chez le patient obèse ( BMI > 35 Kg/m²) contre 585 secondes si le poids est normal. La désaturation lors de l’apnée est d’autant plus rapide que l’obésité est importante ( 18, 19).
La comparaison des techniques de 8 CV en 60 secondes par rapport au VT pendant 3 minutes chez des obèses morbides ( BMI > 40 Kg/m²) ne montre pas de différence dans le délai de désaturation entre les deux groupes, par contre, il existe une diminution de la PeTCo² dans le groupe 8 CV ( 20).
L’utilisation de la position proclive permet de doubler la CRF et d’augmenter la PaO² chez des obèses ( BMI > 35 Kg/m²) ou des obèses morbide (10, 14).
La ventilation non invasive a été utilisée avec succès par Gander et al (21), chez des patients avec un BMI > 35 Kg/ m², ils utilisent une ventilation spontanée avec CPap ( 10 cm H²0) pendant 5 minutes suivie d’ une VPC avec Peep à 10 cmH²O pendant 5 minutes avant l’intubation. Cette technique augmente la durée d’apnée de 50% et diminue la formation de micro atélectasies. Le mode VPC est indispensable pour contrôler la pression d’insufflation (25 mmHg) pour diminuer les risques d’insufflation gastrique et donc de vomissements et d’inhalation.
5-4-5 : l' Insuffisant respiratoire
le temps de dénitrogénation est inverse au débit expiratoire de pointe
La PO est indispensable avant l’anesthésie d’autant plus qu’il existe des risques de ventilation au masque ou d’intubation difficile. Différentes techniques peuvent être employées en fonction du terrain, elles nécessitent une information du patient pour en améliorer l’acceptabilité. En cours d’induction, il faut reventiler le patient si la SpO² est inférieure à 95% ( 14), seul paramètre disponible lors des manœuvres d’intubation .
Texte mis à jour en Mars 2009
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Diverses techniques alternatives à la ventilation spontanée en oxygène pur ont été décrites, on peut citer